| Publié le 28 mars 2019

La fierté selon Marie-Aude Murail

La fierté selon Marie-Aude Murail

4 min de lecture La grammaire des émotions est universelle. Selon le psychologue Paul Ekman, un petit nombre d’entre elles peuvent rendre compte de l’expérience d’un être humain, quelle que soit sa culture. L’auteure pour la jeunesse Marie-Aude Murail nous entraîne au cœur de la confusion des émotions et défend le droit à la contradiction.

Est-ce que je ressens de la fierté ? C’est une question que les enfants me posent. Ils me demandent si je suis fière de passer à la radio, à la télé, si je suis fière de mes livres. Si j’étais totalement fière, cela voudrait dire que je suis satisfaite et je pourrais plier bagage… J’ai forcément une part d’insatisfaction pour continuer. Mais que met-on derrière ce mot ? Si je regarde au fond de moi, je suis consciente que j’ai un côté médiocre qui prend parfois le dessus. Et qui le prenait déjà quand j’étais jeune. Quand j’ai écrit mon dernier livre, j’ai relu le journal intime de mes 17 ans et j’ai été étonnée par ce côté implacable. Ce côté où elle va jusqu’au bout, où elle est habituée à descendre jusqu’au plus minable de ce qu’elle est. Je dis “elle” parce qu’elle m’a trop étonnée mais en même temps je sais que j’étais là. Et peut-être qu’elle n’a jamais été plus présente que maintenant car je suis auteure pour les ados. Elle a veillé sur moi. Il y a sans doute un dédoublement. Parce que je n’ai jamais refusé d’être une adulte non plus. J’ai pris des responsabilités, comme celle d’être mère, et je les ai endossées. Je sais que je ne suis pas là uniquement pour me faire aimer. Si je sais très bien faire revenir en moi l’enfance et l’adolescence, je n’oublie pas que je suis une adulte. Les enfants en ont besoin, ils n’ont pas souvent des adultes en face d’eux qui prennent le temps de discuter avec eux.

Cela m’arrive d’être fière de mes lecteurs, qui sont petits et qui viennent me raconter leur vie.

Il m’arrive assez souvent de voir arriver vers moi des gens qui ont grandi avec mes livres, c’est le privilège d’être vieux. Ce sont des moments de fierté car, d’un coup, on se retourne et on voit son chemin. Par exemple des parents qui ont appelé leur enfant par le prénom de l’un de mes personnages, ou une jeune fille qui s’est fait tatouer le titre de l’un de mes romans… Ce sont des cadeaux inattendus. D’autres m’ont dit que mes romans les avaient empêchés de sombrer dans la dépression. Avec ces lecteurs, c’est comme si on se connaissait. D’autres encore m’ont dit que le fait d’avoir un personnage principal homosexuel alors qu’ils étaient en train de se découvrir les avait beaucoup aidés aussi… C’est formidable d’être auteure pour la jeunesse, car j’écris à un moment très important de la constitution de la personne. C’est aussi une grosse responsabilité. Que je partage avec des éditeurs, des correcteurs, des relecteurs. 

À PROPOS DE MARIE-AUDE MURAIL

Autrice pour la jeunesse mondialement connue, Marie-Aude Murail a publié une centaine de livres à l’école des Loisirs et chez Bayard. Son roman Oh, boy ! a remporté un immense succès et a été porté à la scène et à l’écran. Dans son dernier livre, En nous beaucoup d’hommes respirent (L’Iconoclaste, 2018), fresque foisonnante, elle retrace son histoire et celle de sa famille sur cinq générations.

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