| Publié le 28 avril 2020

Le confinement : un moyen de se réinventer professionnellement ?

Le confinement : un moyen de se réinventer professionnellement ?

[wtr-time] Le confinement que nous vivons actuellement peut être vecteur d’émotions négatives et d’angoisses multiples. L’une des activités qu’il faut adapter à cette situation inouïe, est celle du travail. Il peut alors être intéressant de se servir de cette période pour envisager de nouvelles perspectives professionnelles, voire repenser nos manières de travailler de façon plus globale.

Une angoisse à plusieurs niveaux

J 36 : moitié du confinement, si l’on tient compte du terme annoncé pour le 11 mai  par le gouvernement. Les travailleurs “essentiels” : soignants, caissier, livreurs, personnel de nettoyage et bien d’autres, peu considérés ou rémunérés, qui parfois n’osent pas exercer leur droit de retrait, sont depuis le début exposés à une angoisse certaine, même si certains d’entre eux ont appris à s’adapter. D’autres ont dû faire face à leurs angoisses financières, chômage partiel, proposition d’aide aux professions libérales assez floue.

L’angoisse peut être également organisationnelle. Dans le cas du télétravail par exemple : trouver un espace dédié chez soi, essayer de dresser une frontière entre temps de travail et vie personnelle, difficulté à se concentrer notamment lorsqu’il y a de jeunes enfants dans les parages…

À ce stade charnière du confinement, nombre d’entre nous ont heureusement trouvé une autre manière de travailler, une voie vers plus de créativité dans leur profession, ou arrivent à penser l’après avec positivité.

Un rendez-vous avec soi

La youtubeuse La Psychiatre Zinzin compare ce qui nous arrive à un phénomène de deuil. Nous passons en effet par différentes étapes : d’abord le déni, la remise en question de nos choix et de nos comportements puis ensuite la tristesse et la colère en tentant parfois de trouver un fautif (le gouvernement, son conjoint …) avant d’accepter enfin cette situation.

Pour le psychologue Samuel Mergui, auteur de la chaîne Youtube Psychorama, cette exposition à l’angoisse de mort fait que nous avons du mal à penser à autre chose. Cela peut se traduire par des troubles de la concentration, du sommeil, une irritabilité, un état dépressif en somme …

Certains vont lutter avec leurs angoisses de façon immature, en optant pour une attitude de déni (faire du jogging dans la journée alors que c’est interdit par exemple). D’autres avec des mécanismes plus matures tels que l’humour, l’altruisme (préparer des paniers repas pour les sans-abris, fabriquer des masques …) ou encore la sublimation : la transformation d’une émotion négative en positive qui redonne une pulsion de vie (voir à ce sujet la tribune de Saverio Tomasella publiée sur notre site).

« Depuis le confinement, j’ai l’impression de me reposséder  »

La sublimation entraînée par ce temps ralenti permet ainsi à certains de réaliser des formations ou des reconversions ou de se donner de nouveau défis … « La première semaine en télétravail je n’arrivais pas à rester focus sur mon travail, je me laissais distraire toute les cinq minutes. Puis j’ai pris la décision de quitter Messenger… Et finalement j’ai remarqué que le fait d’être seul à travailler me permet de me dépasser. Je demande en effet moins facilement d’aide à mon boss, ainsi je ressens davantage de satisfaction personnelle » explique Charlie, développeur.

Antoine, musicien ressent une liberté d’expression totale depuis qu’il est confiné : «  j’ai l’impression que le temps s’est arrêté autour de moi, c’est comme si j’avais un secret ou une sorte de liberté intérieure profonde qui me permette de m’exprimer sans qu’on m’en empêche ». Joséphine, attachée de presse, a quant à elle le sentiment d’être à nouveau maîtresse d’elle-même : « Je laisse beaucoup plus de place à l’artistique lorsque je ne travaille pas et depuis que je suis freelance. »

De son côté, Jules, scénariste, réussit à profiter de ce temps supplémentaire  : « Je n’ai plus eu d’excuse pour ne pas me consacrer pleinement à mon activité d’auteur. J’ai aussi participé à un dispositif pour imaginer des futurs possibles dans le cadre d’un appel à scénarios. Merci au confinement de changer nos modes d’interaction et de travail en nous offrant ce pour quoi on dépense en général une énergie folle : le temps. ».

Le confinement est aussi pour beaucoup une opportunité de réfléchir à ses choix professionnels. C’est le cas de Shéhérazade, décoratrice :« Je réfléchis à développer une activité qui sera plus proche de mes valeurs, c’est à dire où l’humain prime sur l’intérêt. Je me suis également rendu compte que j’aimais écouter l’expérience des gens tout en assouvissant un désir de créativité, je me suis donc lancé dans la réalisation de mon premier podcast ! »

Pour des métiers plus “aliénants” au sens marxiste du terme, où l’être humain est au service de la production, où la créativité comme évasion existe peu, c’est le fait de se sentir “utile” qui permet cette sublimation. Olivier Duris, psychologue clinicien, conseille de trouver un moment pour se mettre ou se remette à une activité artistique, afin de canaliser ses angoisses. De même pour ceux qui sont au chômage partiel.

Si l’expérience du télétravail se révèle aussi comme une opportunité inouïe de gagner du temps, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et de sortir du cadre classique, il ne faut cependant pas négliger ses désavantages : « On perd tout de même des dimensions très importantes mais souvent négligées du travail : les regards, les contacts, les échanges informels à la machine à café… » prévient Dominique Méda sociologue, spécialiste du travail et membre de L’IRISSO-CNRS.

Penser le travail de demain

Le psychologue Olivier Duris est co-créateur de la plateforme participative en ligne Mémoire des catastrophes. Cette plateforme a été créé dans le but de témoigner de nos expériences en confinement et ainsi de les mettre en commun en amont des futures crises pour mieux nous y préparer. Selon lui :« la mémoire de chacun est la résilience de tous ».

Au-delà d’un enjeu personnel, ce qui nous arrive peut donc être perçu comme le moment d’adapter nos manières de travailler de façon collective, pour penser le travail de demain et le revaloriser, mettre en avant l’humain et adapter nos comportements pour prévenir de futures crises.

Cette crise met également en lumière certains métiers essentiels qui n’étaient pourtant pas assez considérés jusque-là :« Nous nous apercevons que la hiérarchie de la reconnaissance et des salaires ne correspond pas à celle de l’utilité sociale. Nous sommes obligés de constater que certains métiers qui se révèlent essentiels dans la crise, ceux grâce auxquels nous pouvons continuer à vivre sont sous payés.» explique la sociologue Dominique Méda.

Cette expérience unique nous permet également de faire l’expérience de l’importance du travail, notamment pour structurer notre vie et lui donner du sens.

Marie Prugnat

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