| Publié le 6 décembre 2019

« Mais comment peuvent-ils faire ça à leurs copains ? »

« Mais comment peuvent-ils faire ça à leurs copains ? »

5 min de lecture Les chiffres du harcèlement sont alarmants. Dans la cour et surtout sur les réseaux sociaux, les agressions sont de plus en plus virulentes et dévastatrices.Nous sommes effarés devant le manque de sensibilité de certains enfants. Et s’il manquait quelque chose dans l’éducation que nous leur donnons ?

Comment des jeunes peuvent-ils se montrer si cruels envers des pairs qu’ils côtoient tous les jours ? Comment peuvent-ils paraître si insensibles face à la souffrance d’autrui ? Pourtant, à la stupeur des adultes, dès qu’on les réunit pour en parler, ils s’effondrent en sanglots. Non, ils n’avaient pas mesuré qu’ils blessaient ; ils faisaient ça « pour rire ». Or si vous percevez la douleur d’autrui, la causer devient quasiment impossible. Les jeunes de notre génération ne sont pas cruels et insensibles dans leur essence, mais quelque chose bloque trop souvent leur empathie.

Selon une étude, les adolescents d’aujourd’hui manifestent un niveau d’empathie de 40 % inférieur à celui des adolescents d’il y a trente ans. Dans la même période, pour cette tranche d’âge, la prévalence du narcissisme a augmenté de 58 %.

Quelles sont les causes d’une telle dégradation de l’attention à autrui ?

Un premier facteur est simplement le niveau de stress. Il a été mesuré comme désormais supérieur à celui des adultes. L’exposition au bruit, aux écrans, la surpopulation, la compétition scolaire, le peu de disponibilité des parents, la station assise, le manque de mouvement, de temps, de liberté, de vie en extérieur, de contact avec la nature sont des facteurs de stress. Or, il a été démontré que l’exposition au bruit diminue l’altruisme et que de manière générale, plus le stress et l’anxiété augmentent, plus l’empathie s’amenuise.

C’est bien naturel : il est difficile de se mettre à la place des autres quand on est en mode “survie”.

Deuxième problème majeur, la “selfisation”. Sur les réseaux sociaux, les jeunes font étalage non de ce qu’ils voient mais d’eux-mêmes en situation : “moi”, “moi” et encore “moi”. Leur statut social, évalué au nombre de likes, revêt désormais la plus haute importance, au point d’éluder l’expérience elle-même.

Ils sont prisonniers d’une forme d’autoadmiration, engloutis dans la promotion et le marketing d’eux-mêmes. Préoccupés par leur image, ils n’ont plus d’espace mental pour s’intéresser aux sentiments, besoins et inquiétudes d’autrui.

Troisième souci, la survalorisation. Pour ne pas reproduire ce que nous avons parfois vécu dans notre enfance, nous avons tendance à féliciter nos enfants à tour de bras et à abuser des « tu es le meilleur », « tu es génial », etc.

Du coup, l’enfant survalorisé intègre un état d’esprit “fixe” – par opposition à “en développement” – et se voit comme la septième merveille du monde. Les études montrent que le narcissisme augmente donc chez les jeunes sans que ce soit accompagné de conscience de ce que vit autrui.

La situation est préoccupante, mais pas désespérée. L’empathie s’acquiert et elle est un facteur de réussite et de bonheur. //

Isabelle Filliozat est psychothérapeute, formatrice en approche empathique, créatrice d’ateliers de parents. Elle est l’auteure de plus de 20 livres traduits en 19 langues, dont J’ai tout essayé, Il n’y a pas de parent parfait et Au cœur des émotions de l’enfant, parus chez Jean-Claude Lattès et Marabout.

CE QUE VIT L’ENFANT

Si je ne suis pas le meilleur,  je n’existe pas. J’ai tout le temps peur.

Concrètement

Quelques chiffres

Plus d’un enfant sur dix est victime de harcèlement, principalement en primaire et au collège.

Moqueries, attaques blessantes, propos diffamatoires… 53 % des jeunes avouent avoir déjà subi au moins une agression en ligne.

80 % des cyberharcelés connaissent leur agresseur.

Plus d’un tiers des 18-30 ans avouent avoir déjà été “agresseurs”.

Que faire pour développer l’empathie de nos enfants ?

Montrer l’exemple.

Clarifier nos attentes en matière d’empathie, de gentillesse et d’attention à autrui et valoriser davantage l’enfant lorsqu’il a pris soin d’autrui que lorsqu’il a gagné la première place.

Lui apprendre à identifier les émotions en lui et chez autrui.

Dans différentes situations, lui poser des questions de manière à l’inviter à se représenter le point de vue de l’autre.

Regarder des films ensemble et lui faire envisager la perspective de chaque protagoniste.

Encourager ses engagements envers autrui : projet solidaire, association d’aide, bénévolat…

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis !
Share on facebook
Facebook
Share on google
Google
Share on twitter
Twitter
Share on linkedin
Linkedin
Newsletter

Restez au courant des nouvelles parutions de
Psychologie Positive