Psychologie Positive n°40
La source de nos désirs

Pouce !
C’était en avril 2020. Alors que la moitié de la planète était confinée, l’émoji “hug”, un petit bonhomme joufflu serrant un cœur gros comme ça, faisait son apparition dans le répertoire des symboles Facebook. Approbation. Désaccord. Tristesse. Indignation. Solidarité. Telle est désormais la palette de nos émotions numériques. “Une réalité bien pauvre pour découper un monde toujours plus complexe.”
Derrière la pluralité des prises de parole et la multiplication des canaux et des outils – hashtags, groupes Facebook, posts de blog –, les découpages sont nets, les lignes de fracture se précisent.
Avec nos amis, nos connaissances, même topo : nos réactions semblent de plus en plus immédiates, de plus en plus tranchées. Et inutile de souligner que la pandémie a servi d’accélérateur de particules…
Il est désormais difficile de ne pas s’identifier à un camp, rejoindre une tribu, comme il est difficile d’échapper aux étiquettes.
En rétrécissant nos “convois sociaux”, en limitant les rencontres fortuites avec l’Autre, c’est la diversité d’opinions, l’exposition à une pensée divergente, à de nouveaux regards, à de nouvelles compréhensions qui s’est estompée.
Or le cerveau est paresseux, rappelle le chercheur en neurosciences Andrew Newberg dans l’article “Polarisation” (à lire en page 82) : « Perdre l’habitude de côtoyer des personnes aux opinions différentes des nôtres altère notre capacité à réguler nos émotions. » En résumé, moins vous vous exposez à l’altérité, plus vous renforcez une pensée binaire.
Et si l’on disait “pouce”? Et si l’on accueillait à nouveau la subtilité, la différence, si l’on redonnait ses lettres de noblesse à la nuance ?
Loin d’être une position fade, cette attitude me semble pleine de promesses et de nature à recréer du lien, ce lien distendu par des mois de dématérialisation de nos vies. Plus encore : « Nous avons besoin de rencontrer diverses personnes, dans divers contextes, afin de découvrir certains aspects de nous-même », peut-on lire dans “Éloge des amis d’un soir”, page 34.
Car c’est bien notre environnement qui permet de faire émerger nos traits de caractère ; les autres qui révèlent nos désirs profonds. Alors, pour conclure en empruntant à Jean Birbaum le titre de son dernier essai : ayons Le Courage de la nuance !
Nadège Baheux, rédactrice en chef