Psychologie Positive n°41

Souvenirs, et s'il fallait n'en garder qu'un ?

Ces fragments de nous

La maison familiale est vendue. Ce moment que je redoutais depuis plusieurs mois est bel et bien arrivé. Je me retrouve là, désemparée, mes cartons encore vides sous le bras, au milieu de ma chambre d’ado. Elle est restée telle qu’elle depuis que je suis partie vivre dans la capitale. Les mêmes photos accrochées aux murs, les mêmes peluches sur le lit, les mêmes livres et bibelots qui ornent les étagères… Je n’ai plus le choix, je dois remplir ces cartons. Je dois me plonger, tête baissée, dans cet océan de souvenirs. J’ai envie de tout conserver, mais c’est impossible. « Les souvenirs les plus importants sont dans ta tête, tu n’as pas besoin de tous ces objets pour t’en rappeler », me lance mon frère lorsque je lui fais part de ma difficulté à trier ces précieuses reliques. Peut-être a-t-il raison ? Le problème, c’est que pour moi chaque objet renferme un souvenir, et que chaque souvenir est précieux, aussi infime puisse-t-il paraître. Ce ticket de cinéma qui me rappelle mon premier film d’horreur sur grand écran entre copines (je n’en avais pas dormi pendant une semaine), cette peluche gagnée à la fête foraine par mon premier amoureux, ces flots reçus lors de mes participations à des concours d’équitation, cette boîte à musique offerte par ma grand-mère qui me rejoue la douce mélodie de mon enfance… Me séparer de tout cela équivaudrait à m’arracher certains fragments de moi-même, de mon histoire.

C’est au milieu de ce chaos que se dessine le sujet principal de ce numéro de Psychologie Positive… LES SOUVENIRS, tiens donc ! L’article s’articule autour d’une étude menée par une chercheuse ayant posé cette même question à un panel de volontaires : si vous ne deviez garder qu’un seul souvenir, lequel choisiriez-vous ? Une synchronicité si cocasse que Nadège, la rédactrice en chef du magazine, me propose de rédiger exceptionnellement l’édito. Me voilà donc avec une montagne de souvenirs à trier ET un édito à écrire. Les heures passent et, au bout du compte, après avoir remué tous ces vestiges de mon passé, je commence à ressentir une certaine forme d’apaisement. Je m’aperçois qu’au fond, ce qui me fait peur, c’est d’oublier. Oublier cette séance de cinéma mythique si je jette ce ticket, oublier cet après-midi à la fête foraine si je donne cette peluche… Mais mon frère a sûrement raison : si ces souvenirs sont réellement importants, ils resteront gravés en moi. « Certains souvenirs se refusent à sombrer dans l’oubli, quels que soient le temps écoulé ou le sort que la vie nous a réservé. Ils gardent toute leur intensité et restent en nous comme la clé de voûte de notre temple intérieur. » – Haruki Murakami. Et s’ils s’effacent, c’est certainement parce que mon cerveau a besoin d’espace disponible pour archiver d’autres moments marquants de mon existence. Alors, même si je ne suis pas encore prête à n’en choisir qu’un seul, j’ai trouvé la force de boucler mes cartons… En me sentant riche de mes souvenirs, et non prisonnière d’eux.

Iris Cazaubon, rédactrice en chef adjointe

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