| Publié le 17 février 2020

“T’as eu ton permis dans une pochette surprise ?!”

“T’as eu ton permis dans une pochette surprise ?!”

5 min de lecture Il arrive même aux personnes les plus aimables de s’énerver pour un rien en voiture. Pourquoi est-il si difficile de se maîtriser au volant ? Quatre pistes d’explication.

On vous a fait une queue de poisson. On vous a raflé une place de parking sous le nez. On vous a gratifié d’un doigt d’honneur parce que vous n’avez pas démarré au quart de tour lorsque le feu est passé au vert. Presque tous les usagers de la route sont confrontés à ce genre de comportement asocial. Les études s’accordent à dire que nous considérons l’agressivité sur la route comme un problème important. Selon Jolieke de Groot, psychologue et chercheuse spécialisée dans le comportement au volant, nous estimons ce type d’agressivité au moins aussi dérangeant que les embouteillages. Alors, pourquoi est-elle si courante ? « En général, les chauffards ne sont pas irritables qu’en voiture, mais aussi dans leur vie quotidienne, déclare la psychologue. Mais ce n’est qu’un aspect de la question, car certaines personnes aimables et raisonnables sont elles aussi rapidement irritées dans leur véhicule, en moyenne deux fois par heure. » La conduite fait naître chez nous une grande difficulté à nous maîtriser.

1 NOUS PENSONS QUE L’AUTRE NOUS GÊNE INTENTIONNELLEMENT

Nous nous mettons surtout en colère lorsque quelqu’un nous barre le chemin, ce qui est encore renforcé par la pensée que l’autre le fait intentionnellement. La psychologue explique : « Lorsque quelqu’un vous dépasse à toute vitesse et vous fait une queue de poisson, vous pensez : “À quoi il joue ?!” Alors que l’autre conducteur ne vous a peut-être même pas vu et accélère uniquement parce qu’il est en retard à un rendez-vous. Nous l’interprétons souvent à tort comme quelque chose de personnel. »

Des études ont montré qu’en général les gens ne se mettent pas en colère lorsqu’ils se rendent compte que l’autre personne ne l’a pas fait exprès, par exemple lorsque au supermarché quelqu’un vous bouscule par inadvertance et s’en excuse. Sauf que les automobilistes ne peuvent pas se parler, et ont peu de contacts visuels entre eux. « Sur la route, il y a moins de possibilités de communication et il est plus difficile de montrer qu’une manœuvre n’était pas faite pour vous gêner. »

2 EN VOITURE, NOTRE EGO EST DÉMESURÉ

Selon le psychologue Gerard Tertoolen, les gens s’identifient fortement à leur véhicule. Une manœuvre maladroite peut rapidement être interprétée comme une attaque personnelle. « En outre, la voiture nous confère un sentiment de toute-puissance, et notre ego enfle démesurément. Ces ingrédients font que, sur la route, nous réagissons souvent immédiatement et de façon primaire. C’est un réflexe animal : les gens n’acceptent tout bonnement pas que quelqu’un pénètre sur leur territoire ou entrave leur liberté. »

3 NOUS SOMMES PLUS ANONYMES

Installés dans le cocon de notre voiture, nous nous sentons en sécurité et à l’abri des yeux indiscrets. Nous avons l’impression que personne ne prête attention à ce que nous faisons et il y a peu de contrôle social. Cette sensation d’anonymat nous donne le sentiment que nous pouvons nous permettre davantage de choses.

Dans son livre sur la psychologie de la circulation, Traffic, l’auteur Tom Vanderbilt compare la conduite automobile aux discussions anonymes sur Internet : vous pouvez incendier quelqu’un d’autre, faire un doigt d’honneur… Un coup d’accélérateur et vous avez disparu.

4 NOUS NE CONSIDÉRONS PAS LES AUTOMOBILISTES COMME DES ÊTRES HUMAINS

Ian Walker, psychologue à l’université de Bath, a montré aux participants d’une expérience des photos représentant toutes sortes de situations sur la route et leur a demandé de les décrire. Les piétons et les cyclistes étaient présentés comme des personnes, par des phrases telles que : « le piéton traverse la route » et « le cycliste tourne à gauche ». Mais les automobilistes, eux, étaient considérés comme des objets.

Au lieu de dire : « l’automobiliste a freiné », ils écrivaient : « la voiture a freiné ». Selon Jolieke de Groot, cela influe sur le comportement des automobilistes. « Ils pensent qu’ils ont moins besoin d’être courtois envers les autres conducteurs, mais aussi qu’ils ont moins de comptes à rendre sur leur propre comportement. » //

Texte : Ditty Eimers // Photo : Marlon Richardson.

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